Diogène et le XXIe siècle

La biologisation de la pensée

Orientation :

          La biologie va révolutionner nos modes de penser le monde et de se considérer soi-même en tant qu'être humain. Il ne s'agit plus de croire ou non en la réalité d'une nature humaine, il est désormais temps de l'inventer.      

Texte :

           Le monde ramené aux dimensions de la planète vient de se clôturer. Cette clôture est indurée par la crise écologique. Ce truisme est désormais incorporé dans la pensée, incorporé au sens nietzschéen. On peut certes remettre en cause la scientificité des analyses du GIEC (certains l'ont fait avec justesse (1)), cela ne remet pour autant pas en cause le principe selon lequel la clôture est absolue. La terre est finie, ses ressources limitées, la pollution transfrontalière et transpécifique. Ce nouveau paradigme émergeant, de nouvelles perspectives sur la planète terre se sont fait jour. Certains ont conçu la terre comme un métaorganisme vivant prenant via l'humanité conscience de lui même. On rejoindrait ici et d'une certaine manière la métaphysique d'un Whitehead refusant la disjonction galliléenne séparant la nature sentie de celle expliquée par la science. M. Serres court ce lièvre en rappelant livre après livre la survivance de nos archaïsme dans nos sociétés "hypermodernes". En faisant de l'homme et des sociétés, des entités enchassées traversées par l'histoire entendue au sens le plus large (histoire humaine, biologique...), cet auteur inclassable développe une pensée qui veut mobiliser toutes les connaissances acquises en une philosophie ecclectique, mythologique et matérialiste. Cette pensée dit qu'il y a du mythe et qu'il en faut. Mais le mythe n'est pas la mystification. L'opposition nature/culture en était une, une mystification narcissique dans laquelle la pensée contemporaine s'est engluée au point de devenir aveugle aux récents progrès de la biologie et leurs conséquences. Les prodigieuses avancées de la biologie moléculaire depuis 50 ans et la révolution génétique ont provoqué une assez naturelle biologisation des discours qui s'est très vite heurtée aux résistances farouches de beaucoup de chercheurs et d'intellectuels. Le problème est parfaitement posé dans le dialogue entre Ricoeur et Changeux (2) dans lequel l'"Esprit" du phénoménologue échapperait à toutes les explications tirées de l'étude des mécanismes cérébraux, bassement matérialistes et biologiques. Comment, dans ces conditions, la sociobiologie pourrait-elle se déployer sereinement ? Etant porteuse de l'ultime blessure narcissique, elle redoublerait et approndirait celle qu'avait déjà infligée Darwin à une humanité en voie de désenchantement. Elle effaçerait peut-être ou tout au moins rendrait moins pregnante la blessure freudienne, Freud se voyant renvoyer au fond de la classe bonnet d'âne en tête. Les succès de la psychanalyse repose sur cela même qu'elle a découvert : l'inconscient. Or la sociobiologie, la biologie des comportements, l'éthologie humaine telle que la pratique un Boris Cyrulnik remettent en cause l'opacité supposée de l'inconscient et la symbolisation comme étant son seul mode processuel. Nietzche avait déjà vu tout cela. Comme l'alchimie avait fini par être rangé sur le rayon des ésotéries par la chimie de Lavoisier, la psychanalyse risque bien de subir le même sort ou d'être satellisée par la sociobiologie comme discipline annexe. Alors à tous ceux qui s'écriront à la manière des jeunes filles en fleur effarouchées : " Mais nous ne sommes pas des animaux!", Diogène nu rétorque : "Mais bien sûr que nous le sommes même si nous ne sommes pas que cela!"

(1) Les critiques les plus audibles mettant le doigt sur le caractère non systémique de certaines analyses et sur la haute faillibilité des modèles climatiques.

(2) "Ce qui nous fait penser. La nature et la règle", P. Ricoeur & J.-P. Changeux.

Diogène



24/11/2008
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