Diogène et le XXIe siècle

Capitalisme : mode d'emploi du jeu des chaises musicales

Capitalisme : mode d'emploi du jeu des chaises musicales.

 

Orientation :

Comment l'individualisme échevelé mine le système capitaliste sans pour autant le menacer de mort.

Texte :

Dans l'article précédent, j'ai à plusieurs reprises utilisé l'expression consacrée du « jeu des chaises musicales ». Celle-ci est, dans ma logorrhée, chargée d'illustrer le processus par lequel l'individualisme moderne irradie notre société et la lie à tous les étages. Le jeu des chaises musicales est paradigmatique de la fin d'un mode de pensée économiciste qui voyait dans la croissance le thériaque absolu. Or il faut désormais un point et demi de croissance annuelle pour ne pas détruire des emplois. L'extensivité de la sphère économique occidentale se heurte désormais à la croissance économique d'autres régions du globe. Si cela n'empêche nullement la possibilité d'une croissance, cela entrave sérieusement les possibilités de dépasser ce seuil créatif d'emplois. Du coup, voilà revenir le paradigme du monde plein, du monde sans croissance, le monde paysan d'Ancien Régime figurant au rang des meilleurs exemples. La mythologie paysanne des villages de l'ancienne France (1) montre comment dans la littérature paysanne le « Trésor » est la somme de l'accumulation de tous les phantasmes bridés, muselés et corsetés par l'impossibilité d'étendre le territoire et donc l'exploitation sinon au détriment d'un autre territoire ou d'une autre exploitation. Le retour de ce paradigme dans une société non paysanne oblige tout un chacun à rechercher une place ou une niche. Le salarié cherche une place et lorsqu'il la trouve, il fait tout pour la conserver et on voit les syndicat se muer en garant de l'ordre salarial au détriment de ceux qui sont exclus de l'emploi. Ceux-ci à leur tour cherchent une place. Et les voilà tourner en rond les uns après les autres en attendant le signal… L'entrepreneur cherche quant à lui une niche économique et comme il n'y a plus là non plus de place pour tout le monde, le libre jeu de la concurrence, du capitalisme et des monopoles déguisés opèrent une redistribution des places relativement parcimonieuse. En bref, il n'y a pas l'élasticité recherchée dans le système économique, le mécanisme se fige, le nombre des places et donc des chaises se fixe. Le jeu a déjà commencé. Pour ceux qui sont assis, il faut s'arrimer à sa chaise et chercher le « trésor » et le trouver pour pouvoir espérer s'échapper du jeu et vivre une vie libre des règles auxquelles la plupart est voué. Après la désynchronisation des élites au XVIIe siècle (2), voilà la désynchronisation totale, démocratique, cynique…

Cet état de fait a eu de profondes répercutions sociologiques dont le détail est bien connu désormais. S'il perdure, personne ne sait ce qu'il adviendra de l'occident. Pour autant, s'il y a une lueur d'espoir elle se trouve au cœur du système lui-même, elle est le système lui-même et la puissante potentialité du capitalisme à survivre aux crises qui le secouent. Schumpeter avait mal évalué la capacité de résistance du capitalisme. A trop voir en lui une idéologie, on oublie sa « naturalité » et le fait qu'il émane en partie de comportements individuels comme l'avait tout a fait compris Hobbes (3) et Smith (4). De là à dire que l'effondrement du capitalisme n'est pas envisageable à court et à moyen terme, je crois qu'il n'y a qu'un pas dont la résistance des pays émergents à la crise financière est une condition de possibilité.

Diogène

(1) voir « L'argent, l'amour, la mort en pays d'oc », Emmanuel Le Roy Ladurie

(2) voir, « L'invention de l'homme moderne », Robert Muchembled

(3) voir « Le Leviathan », Hobbes

(4) voir « La richesse des nations », Smith Adam



18/11/2008
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